Le gouvernement présente ce jeudi 10 octobre en fin d’après-midi en Conseil des ministres son projet de loi de finances 2025. Selon nos informations, il crée, pour les années 2025 et 2026, une contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises maritimes - comprendre CMA CGM, qui en avait été informé. En échange, la taxation forfaitaire au tonnage est préservée. Détails.
Le projet de loi de finances (PLF) 2025, tant attendu, est présenté le 10 octobre au Conseil des ministres avec dix jours de retard sur la date butoir habituelle en raison de la formation tardive du gouvernement.
Principale information concernant le secteur maritime : pour que les armateurs soumis à la taxe au tonnage (imposition forfaitaire non pas sur le bénéfice mais sur la capacité en tonnage) et non pas à l’impôt sur les sociétés, n’échappent pas à la taxe exceptionnelle créée pour deux ans pour les entreprises réalisant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires en France, le PLF 2025 prévoit une taxation exceptionnelle des grandes entreprises de transport maritime
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Au maximum 2,6 milliards d’euros si la taxe avait existé en 2022
Cette taxe sera assise sur le résultat d’exploitation de l’entreprise déclaré au titre de l’exercice. Elle constitue ainsi un dispositif complémentaire à la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés et en reprend les caractéristiques. Elle concernera les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros, ce qui ne concerne que CMA CGM (car les autres champions français, Louis Dreyfus armateurs ou Bourbon sont plus petits), confirme-t-on de source ministérielle. Cette contribution s’appliquera au titre des deux exercices consécutifs clos à compter du 31 décembre 2024. Son taux sera fixé à 9 % sur le résultat d’exploitation de l’activité fret maritime pour le premier exercice (2025) et réduit à 5,5 % pour le second (2026). Elle ne sera pas déductible du résultat imposable des entreprises redevables. Par ailleurs, ni les réductions et crédits d’impôt applicables à l’impôt sur les sociétés, ni les autres créances fiscales (comme les créances de report en arrière des déficits) ne seront imputables sur la taxe exceptionnelle.
Rodolphe Saadé avait déjà anticipé cette taxation exceptionnelle dans un entretien avec quelques journalistes le 23 septembre dernier. Je comprends qu’il y ait des difficultés politiques en France. S’il y a une contribution exceptionnelle de solidarité qui s’applique à des entreprises qui ont généré des profits, le groupe CMA CGM prendra sa part »,
avait dit le PDG de CMA CGM pour défendre par contre mordicus la taxation au tonnage, que quasiment tous les pays appliquent. Le PLF2025 la maintient mais elle va être fortement discutée lors de la discussion budgétaire au parlement. À suivre de près, avec aussi un risque de voir abaisser par amendement le seuil (un milliard d’euros de chiffre d’affaires dans le projet actuel) pour la taxation exceptionnelle.
Alors que l’année 2024 en cours (non soumise à la taxe) sera bonne, les résultats 2025 de CMA CGM s’annoncent bien moins bons que ceux enregistrés depuis 2020 en raison du risque de surcapacité qui plane sur le conteneur, a déjà envisagé publiquement Rodolphe Saadé. Ce qui, sous réserve bien sûr de la conjoncture du shipping, devrait limiter la portée de cette mesure pour le groupe et pour les caisses de l’État. De source ministérielle, le gouvernement en attend de l’ordre d’un demi-milliard d’euros pour 2025, mais tout dépendra de l’activité maritime de CMA CGM l’an prochain.
CMA CGM ne publie pas son résultat d’exploitation, mais si le groupe avait été taxé en 2021 sur la base de son Ebitda global (résultat d’exploitation avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissements), incluant le fret maritime mais aussi la logistique, le montant de la contribution se serait élevé à environ 2,07 milliards de dollars (1,89 milliard d’euros au cours d’aujourd’hui) pour l’État, selon nos calculs. Pour 2022, année record, qui avait permis à CMA CGM d’être le groupe français le plus rentable de l’histoire, le chiffre aurait été de 2,85 milliards de dollars (2,61 milliards d’euros). Mais pour 2023, pourtant une des meilleures années de l’histoire du groupe, on tombe à 810 millions de dollars (741 millions d’euros).
Budget des Affaires maritimes rogné
Pour les entreprises non soumises à la taxe au tonnage - ce qui peut concerner des groupes maritimes non-armateurs, tel Naval group -, le taux de la contribution exceptionnelle sera fixé à 20,6 % des résultats imposables pour le premier exercice clos à compter du 31 décembre 2024 et à 10,3 % pour le second exercice clos à compter du 31 décembre 2024 si le chiffre d’affaires ne dépasse pas 3 milliards d’euros. Au-delà de ce chiffre d’affaires, ces taux, pour les très grands groupes, sont respectivement portés à 41,2 % et à 20,6 %.
Selon le PLF 2025, le budget des affaires maritimes, de la pêche et aquaculture ressort à 245 125 721 euros en autorisations d’engagement et 260 671 777 euros en crédits de paiement, en baisse. On sait déjà que le fonds d’intervention maritime n’a plus de dotation et que les exonérations de charges patronales sont rognées (environ 70 millions d’euros sur le budget) sauf pour les ferries qui en représentent néanmoins une part importante. Le débat parlementaire permettra peut-être de modifier la base initiale proposée par le gouvernement. Les exonérations de charges patronales ont sauté en arbitrage intergouvernemental mais elles pourraient être rétablies dans le cadre du débat budgétaire sous une forme ou une autre. À suivre de près…
La prise en charge par l’État des cotisations sociales salariales dit Seam, pour dispositif de soutien aux entreprises d’armement maritime, permettant d’arriver au salaire net, passe à la trappe, y compris pour les ferries. Pas de reconduction prévue, à l’issue de dispositif de trois ans.